samedi 26 octobre 2013

C'est ''juste'' de l'asthme

La première fois que je me suis retrouvée aux urgences avec un petit Antoine en mal d'oxygène, on nous a placés dans le local des asthmatiques pour son traitement d'inhalothérapie. Pendant qu'il prenait ses masques de Ventolin, son minuscule index enserré dans un petit ruban lumineux, j'écoutais les autres parents répondre aux questions des internes. Est-il reconnu asthmatique? C'est la première fois qu'il est vu en urgence? Combien de fois par semaine utilise-t-il sa pompe bleue? Sa pompe orange? Et je me disais que ces questions étaient pour les autres, que mon enfant à moi n'était là que temporairement, parce qu'il avait un trop gros rhume, une crise d'allergie, une baisse de son système immunitaire... Je ne sais plus trop quel âge il avait quand j'ai posé LA question à un urgentologue. Trois ans peut-être? Il allait répondre ''non'' quand il a baissé les yeux et a consulté son dossier: ''Oui, je pense qu'on peut maintenant dire qu'il est asthmatique.''

Asthmatique. J'ai toujours considéré cette condition comme banale (en dehors de la façon de l'écrire qui doit faire sacrer même Bernard Pivot). Après tout, suffit d'inhaler un petit coup de pompe et hop! on reprend ses activités, non? Eh bien non, pas pour Antoine. (Julien aussi a cette maladie et j'avoue qu'avec la pompe orange, on arrive à n'administrer la pompe bleue que lors des rhumes, je comprends donc la banalisation lorsque l'asthme est contrôlé.)

Dans les deux dernières années, j'ai vite réalisé que le suivi d'un asthmatique est complexe, très complexe et surtout, qu'il ne dépend pas uniquement de moi.

On s'est tourné vers les pompes  avec une foi inébranlable. J'ai caché les toutous, je me suis mise à épousseter avec un linge humide (du moins dans leur chambre, faut quand même pas virer fou!), laver la literie toutes les semaines (pas difficile à oublier, ça saignait du nez allègrement à l'époque), entre-ouvrir la fenêtre la nuit. J'ai appris à évaluer les signes qui démontrent que mon fils a besoin d'un traitement d'inhalothérapie à l'urgence, à l'amener dehors enroulé d'une chaude couverture pour respirer l'air frais et calmer les crises. Après maintes discussion avec la direction de mon CPE pour les sensibiliser à l'administration régulière des pompes, j'ai fait mettre une note sur leur carte d'identification disant qu'ils sont asthmatiques. Je me suis levée la nuit, à toutes les heures parfois, pour observer les côtes d'Antoine, son cou, les ailes de son nez. Et lui d'apprendre à écouter son corps, marcher au lieu de courir, s'arrêter en plein milieu d'une chasse aux monstres pour calmer ses petits poumons en feu, exprimer clairement son besoin de Ventolin aux éducatrices remplaçantes trop débordées pour associer le mot ''Asthme'' sur la carte et la toux du petit devant elles. On a passé des tests pour s'assurer qu'il n'avait pas la fibrose kystique ou d'autres maladies connexes (ouf non!). Des échographies pour vérifier si le petit coeur était affecté (Re-ouf!). L'asthme, c'est beaucoup de choses, mais c'est loin d'être simple.

En juin, suite à sa troisième pneumonie dans la même année et son deuxième collapsus, Antoine a été pris en charge par la clinique d'asthme de l'Hôpital pour enfants de Montréal. Ses suivis sont maintenant aux trois mois et ont littéralement changé nos vies. On a raffiné nos techniques d'administration de médicaments, peaufiné les plans d'intervention du CPE en cas de crise, passé des tests d'allergie et surtout, ajouté un médicament oral qui diminue l'inflammation générale dans son corps. Évidemment, comme rien n'est parfait, cette molécule a un effet sur le système neurologique, mais on choisit pour l'instant de vivre avec les crises de colère plutôt que les crises d'asthme...

Et on l'aura deviné, j'ai appris à cesser de minimiser les conséquences de cette maladie. Selon le site de l'Association pulmonaire-Québec, 60% des asthmatiques ont une maîtrise insuffisante de leur maladie, entraînant des répercussions directes sur leur quotidien. Pire encore, chaque année, beaucoup plus d'enfants meurent de crises d'asthme que de chocs anaphylactiques d'origine alimentaire, in Canada, approximately 20 children and 500 adults die each year from asthma(1).  Impossible de trouver des statistiques pour les décès liés à des réactions allergiques aux aliments dans notre pays (si, si, amusez-vous si ça vous chante. Et si vous trouvez, n'oubliez pas de partager avec moi, ça m'intéresse.). Par contre, aux États-Unis, on parle d'environ une centaine de décès (adultes et enfants) liés à des allergies alimentaires par année pour une population environ dix fois plus élevée (2). Ça vous surprend? Moi aussi, les résultats de mes recherches m'ont surprise.

L'emphase est mis sur la gestion des allergies et la prévention des chocs anaphylactiques dans notre société, parce que la survie des personnes atteintes dépend beaucoup du temps de réaction des gens les entourant lors d'une crise. Je réalise maintenant que pour Antoine, c'est un peu la même chose puisque je ne peux être auprès de lui 24 heures sur 24 pour évaluer son état. Sa qualité de vie dépend donc du degré de sensibilisation des personnes présentes auprès de lui avant ses crises d'asthme...

Je sais qu'en apprenant sa condition, certaines personnes pensent encore que c'est juste de l'asthme. Mais non. C'est DE L'ASTHME. 


Références:
1. Canadian Lung Association. “Lung Facts.” 1994 Update.
2.Sampson HA. Mendelson L, Rosen JP. Fatal and near fatal reactions to food in children and adolescents. N Engl J Med 1992; 327: 380-384.

2 commentaires:

  1. Beau texte, bon résumé de la situation réelle des asthmatiques! Je suis moi même asthmatique diagnostiquée à l'âge de 5 ans (j'en aie 32) et c'est loin d'être simple comme pathologie. Encore hier, une parfum d'ambiance chez des amis m'a fait réagir très fortement et m'a mener en pleine crise: recherche frénétique de mon ventolin qui me quitte jamais et qui n'était pas dans mon sac!!!! Panique!!! Retour en catastrophe, respiration sifflante, oppression et l'air qui passe pas, c'est pas drole du tout! Imaginez maintenant la gestion de tout ça par un enfant, et c'est pour la vie.... Merci de conscientiser les gens à notre condition et sur ce, je vais continuer de prier pour que mes jumeaux ne soient pas atteints eux auss....

    RépondreSupprimer
  2. Merci du commentaire, Anonyme. En effet, on ne le dira jamais assez, faire une crise d'asthme, c'est manquer d'air! Je vous souhaite que vos jumeaux soient bien.

    À l'école aujourd'hui, j'ai eu une petite qui faisait du tirage en classe, elle était clairement en détresse respiratoire... ça n'allait pas du tout. Sans pompe pour la soulager, je me sentais vraiment démunie. Heureusement, c'était la fin de la journée, mais elle était comme ça depuis quelques heures lorsque je suis arrivée dans sa classe! Sa maman est arrivée rapidement et je me suis sentie assez fière d'avoir bien détecté le problème puisqu'effectivement, elle est asthmatique et a une pneumonie. Elle aura sa pompe avec elle demain, c'est déjà ça de pris. :)

    J'ai donc été confrontée précisément à ce que je décrivais dans mon billet...

    RépondreSupprimer