lundi 18 février 2013

Sortir du placard

Ils valaient bien quelques tracas...
 Coming-out de blogueuse; mon après-accouchement a été un désastre et j'en ai conservé des séquelles neurologiques.



Voilà, c'est dit. Je l'avais brièvement admis lors de mes premiers textes, seulement il y a quelques jours, un déclic s'est fait dans ma tête et m'a poussée à écrire ce billet. Une amie-blogueuse m'a confié qu'elle a peu de réserves à aborder des sujets ''chauds'',  que souvent d'autres mamans s'y reconnaissent et qu'au final, plus de bien que de mal en ressort. J'ai aussi repensé au texte d'une autre copinaute pour qui admettre sa dépression équivalait un peu à sortir du placard. Donc me voici en train de sortir du mien, ou bien d'en épousseter les squelettes, je suis empêtrée dans les figures de style!

Au-delà de la pudeur que je ressentais à évoquer ces quelques heures passées entre deux Mondes, je dois avouer que j'étais réticente à réveiller l'horreur d'un moment qui aurait dû n'être que bonheur. Ajoutons que plusieurs mamans enceintes de jumeaux fréquentent mon blogue et qu'on lit, à mon humble avis, assez d'histoires d'accouchement horribles. On comprendra que je me sois gardée une petite gêne!

Puisque c'est arrivé dans les heures qui ont suivi, je ne vous raconterai pas ici mon accouchement, mais bien le HELLP syndrom et les lourdes conséquences qu'il a engendrées. (Okay d'accord, je parle de mon accouchement ici, si ça vous intéresse.)

En gros, mon système s'est emballé. Tellement, que les appareils à pression automatiques n'arrivaient pas à prendre ma tension, j'avais mal à la tête, mal au foie, vraiment mal. J'aurais bien repris quelques contractions en échange de la disparition de cette douleur, c'est tout dire! Puis, les convulsions ont commencé. Sous forme de grands frissons d'abord. Et c'est là que j'ai ressenti une douleur horrible à la poitrine, à couper le souffle, ça irradiait jusque derrière, entre mes omoplates. Probablement ma première atteinte cardiaque puisque ensuite des marqueurs caractéristiques ont été retrouvés dans mon sang. Le personnel médical se félicitait que je sois consciente pour pouvoir leur dire ce que j'avais. Ironiquement, c'est la dernière pensée cohérente que je sois en mesure de me rappeler, avant qu'on ne me donne de la morphine (ou un dérivé de...) et que je tombe dans un état, ma foi, fort agréable en comparaison avec ce que vivait mon pauvre corps.

Ce n'est que deux ans plus tard, lors d'un épisode de Dr. House où il était question d'épilepsie, que Papa au Carré allait me révéler que les convulsions dont j'avais par la suite été victime ressemblaient à celles (impressionnantes!) de la patiente à l'écran. Seulement les miennes auraient duré plus d'une demie-heure. C'est qu'on me traitait avec un médicament censé soulagé l'éclampsie, une petite-cousine du HELLP syndrome dont je souffrais. Cependant, les convulsions cachaient ce qui se passait réellement; mon foie avait des ratés, mes globules rouges et mes plaquettes étaient en chute libre alors que mes reins avaient cessé de fonctionner. À cause des vaisseaux sanguins de mon cerveau qui éclataient sous la pression, j'allais également me réveiller avec une énorme tache noire dans mon champ de vision. Vous aurez compris qu'avec tout ça, je suis demeurée inconsciente plusieurs heures...

Miraculeusement (aux dires de l'infirmière qui était auprès de moi et dont je n'ai aucun souvenir), je m'en suis quand même bien tirée. Au bout de quelques heures, mes reins ont recommencé à fonctionner. L'oedème de mon foie s'est résorbé après quelques jours, mes plaquette et mes globules rouges sont eux aussi tranquillement revenus à la normale. (Merci à tous les légumes que j'avais mangés, aux cigarette que je n'ai pas fumées et aux longueurs de piscine que j'avais nagées.) Quelques semaines plus tard, même mon coeur était revenu à la normale. Aujourd'hui, reste un peu de la tache noire dans mon oeil droit (en fait, les dommages sont dans mon cerveau, pas sur la rétine) qui m'oblige encore parfois à loucher pour regarder certaines choses. Bizarrement mes yeux, depuis toujours bleus-gris, sont devenus verts presque du jour au lendemain. Ils reprennent tranquillement leur couleur originale.

On m'a renvoyée chez moi au bout de cinq jours, sous haute surveillance, les bébés n'ayant jamais nécessité plus que quelques heures en incubateur. À la maison, je ne fonctionnais plus du tout comme avant. Au-delà du fait que je n'arrivais plus à rester debout à cause des effets secondaires des cocktails de médicaments auxquels j'étais soumise, ma mémoire, ma concentration, mon organisation étaient affectées. Tous blâmaient les pilules et le manque de sommeil. Et quand j'essayais de dire ''boîte'' mais que j'entendais plutôt ''bouteille'', ou ''fourchette'' quand je voulais un ''couteau'', que je préférais aller chercher les objets au lieu d'expliquer comment les trouver, que ma diction mollissait et que mon débit ralentissait, que je me retrouvais devant un morceau de poulet sans pouvoir expliquer pourquoi je tenais un éplucheur à légumes, on continuait de blâmer les médicaments et la fatigue, mais au fond, je savais bien ce que m'apprendrait mon prochain rendez-vous... Oui, j'avais des atteintes au cerveau. Pas lourdes, pas handicapantes, mais qui m'ont rendu la vie difficile.

Depuis, tout est (presque!) revenu en ordre, j'ai cessé de parler bizarrement, appris à faire des pauses avant les mots qui posent problème, j'ai reçu un magnifique calendrier et un agenda sur lesquels je me suis mise à tout noter. Quand les garçons ont eu 9 mois, j'ai eu la chance de jouer Luce dans l'hilarante pièce Les Voisins du Théâtre St-Bruno Players. Mémoriser mon texte a été toute une aventure, mais c'était motivant de voir que chaque défi accompli m'aidait à en surmonter un autre. Mon retour au travail s'est bien déroulé; j'avais déjà appris à morceler mes tâches afin de ne pas trop perdre de concentration.

D'ailleurs, mon premier blogue est né dans le cadre de ma phase ''j'essaie de repousser mes limites''. C'est que j'avais remarqué que j'avais du mal à organiser mes idées sur papier, alors qu'auparavant, les mots me venaient si naturellement. J'ai donc pris mon clavier et mon courage à deux mains pour raconter l'histoire de ma grossesse et des premiers mois avec les enfants. Ne sachant trop que faire du résultat, je m'étais dit que c'était un bon départ pour un blog... Et me voici maintenant, presque 200 billets plus tard, j'ai du mal à y croire!

Je sais bien que je ne serai plus jamais celle d'avant. De toute façon, quel parent peut s'en vanter? J'ai appris à vivre avec mes lacunes et j'ai développé d'autres qualités comme la patience, la persévérance, je suis moins orgueilleuse aussi, moins exigeante envers moi-même.

J'aime toujours autant jouer avec les mots, les analyser, m'en servir, les mémoriser, les enseigner même! Et bien que ce soit encore difficile de maintenir ma concentration aussi longtemps, j'arrive à faire des choses que je n'aurais jamais faites. Comme ce texte. J'aurais pu l'écrire avant, peut-être même un peu mieux. Mais il y a cinq ans, vous ne l'auriez pas lu puisque je n'aurais jamais, jamais osé le publier!

4 commentaires:

  1. BOnjour,

    Je voulais juste vous dire que ce récit m'a touchée ... je suis aussi maman d'un Julien et Antoine jumeaux ( nés le 12/01/09)... et je suis votre blog avec grand intérêt.
    Merci.

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  2. Je me souviens très bien de vous, S. Contente de voir que vous suivez toujours nos aventures. Quelle coïncidence tout de même!

    Merci de votre visite.

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  3. Et les coïncidences ne s'arrêtent pas là ... moi aussi je suis enseignante ( en lettres )...toutes proportions gardées bien sûr, votre blog est parfois un étrange ... miroir.
    Merci encore de nous faire partager un peu de votre vie avec tant de talents.

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  4. Merci du commentaire qui me fait un peu rougir.
    Tout le plaisir est pour moi. :)

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