mardi 6 juillet 2010

L'accouchement

La veille du party de la St-Jean, je me suis éveillée avec une bonne crise de colon irritable. Ce qui était bizarre, c’est que les contractions aggravaient beaucoup cette douleur. Trente-six livres plus tard, j’en étais à ma 34e semaine de grossesse et je ne réalisais pas que j’étais en train d’accoucher. J’avais souvent eu des contractions régulières et étant habituée aux douleurs intenses que peuvent causer un intestin irritable, je ne m’inquiétais donc pas. Je prenais les contractions à quatre pattes sur les divans, debout, accroupie et allais marcher dehors de temps en temps. Je m’oxygénais bien tout en préparant ma valise pour l’hôpital. Nous nous y rendions à cause de mes pertes sanguines et pas parce que j’allais accoucher. Instinctivement, j’appliquais la meilleure recette pour un accouchement sans douleur. Le matin, j’étais aux 8 minutes. Quand nous sommes partis, j’étais aux 5 minutes et sur le pont Champlain, quand Papa au Carré a constaté que j’étais au 3-4 minutes, il a appuyé sur l’accélérateur en disant que s’il se faisait arrêter, nous ferions semblant que j’accouchais. Je l’ai trouvé très drôle.

Il était midi quand nous sommes arrivés à l’hôpital et Papa au Carré m’a laissée monter seule pour aller garer la voiture. Arrivée au poste, les contractions se pointaient aux 2-3 minutes, l’infirmière de garde m’a même crue quand je lui ai dit que je ne venais certainement pas pour accoucher. Sous moniteur, j’avais maintenant des contractions aux 90 secondes mais je persistais à croire que c’étaient des Braxton-Hicks. Ils ne m’ont examinée qu’une heure et demie après mon arrivée et j’étais dilatée à 5+. Je me souviens avoir demandé ce que cela voulait dire. La gynéco m’a gentiment répondu que cela signifiait que je tiendrais mes enfants dans mes bras ce soir. Ma naїveté s’est brutalement effondrée à cet instant même et j’ai hoqueté un unique sanglot discret.

Je ne comprenais pas pourquoi je ne me tordais pas de douleur comme dans les Filles de Caleb ou tous ces films qui réussissent à faire baisser la natalité au Québec. Tout se déroulait si bien pour moi que j’ai téléphoné à ma copine Zaby pour prendre de ses nouvelles. Je ne voulais pas être au lit ou aller aux toilettes en chaise roulante mais on m’y obligeait. Sur le coup, j’ai cru que c’était parce que j’étais sous moniteur mais quelques jours après, j’ai deviné que c’était parce que ma pression était vraiment trop haute. Croyant que les accouchements de jumeaux se déroulaient plus lentement que pour des singletons, j’ai par trois fois refusé l’épidurale pour l’accepter de mauvaise grâce à 17h15. Mon médecin et moi en avions ainsi convenu dans l’éventualité où je doive subir une césarienne. À 18h00, j’annonçais à une infirmière sceptique que j’avais crevé les eaux ET que j’étais prête à pousser. Quinze longues minutes après (oui, QUINZE minutes), une gynéco a lancé : "Elle est complète, allez préparer la salle d’op. ". Après de multiples excuses et 25 minutes où il était question de deux autres mamans complètes, on m’a enfin permis de pousser.

Je me permets une courte parenthèse ici pour spécifier que mon accouchement a représenté un moment clef de ma vie alors que j’ai réalisé que je pouvais faire confiance à mon corps. J’ai accueilli les vagues de douleur avec sérénité. Je ne l’ai jamais repoussée, au contraire, la douleur était pour moi comme le signe que j’étais en vie et que mes enfants devenaient la chair de ma chair dans ce que cela peut représenter de plus profond. Personne ne m’avait dit que l’on pouvait vivre ce moment d’une façon si belle et en même temps si terre-à-terre. Je me sentais entourée de l’amour de mon conjoint, des encouragements des infirmières mais en même temps, j’étais seule dans ma bulle avec mes bébés. Et cette force tranquille, cette assurance que j’y arriverais m’a portée jusqu’à la fin. J’ai passé des jours à revivre ces moments extraordinaires pour moi. Mon seul petit (tout petit) regret a été de n’avoir pu le vivre complètement à cause de cette épidurale qui m’empêchait de tout sentir. Antoine est arrivé après dix minutes de poussées, on a à peine pu le poser sur mon ventre tant son cordon était court. Je n’oublierai jamais ce petit bébé tout blanc, recroquevillé sur sa maman. Il a poussé un unique et bref cri avant de m’être enlevé puis ramené tout enrubanné.

Cinq minutes plus tard, Julien s’est présenté par le poing, en Superman et un instant, la césarienne a été envisagée. Heureusement, la gynéco n’a eu qu’à lui chatouiller les pieds pour qu’il rentre sa petite main. Et trois poussées plus tard, notre petite boule d’amour était parmi nous, aussi rouge que son frère était blanc. Les deux bébés allaient bien et le personnel médical bourdonnait d’activité autour de nous. Malgré leur relative prématurité Antoine pesait 4 livres et demie et Julien un gros 5 livres. Après une heure de vie familiale intense, nos ti-loups ont été emmenés à la pouponnière. Suivant une entente préalablement établie entre mon conjoint et moi, il est allé avec eux afin de les rassurer et de leur parler. C’est à ce moment que tout a basculé pour moi.

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